Petit sortilege sans pretention

Petit sortilege sans pretention

Petite boule de suie

 

 

 

 

Dans une autre dimension où les règles de la physique ne se prennent pas au sérieux...

 

 

 

 

Petite boule de suie roule, à peine construite, d'un conduit encrassé, portée par un courant d'air, vers un carré de verre et de lumière. La voilà qui s'envole d'un grain à l'autre de poussière, sautillant sur la cendre en guise d'escampette.
Elle est poussée par la fenêtre, soudain noyée d'espace et de liberté…


Petite boule de suie si peu apprêtée, craint la pluie ou un geste trop pressé, fragile comme une plume de duvet. Il lui faut glaner de la matière, suffisamment pour résister, mais pas assez pour se poser : elle a un étrange voyage à faire.


D'un souffle à l'autre de chaleur, volant broutilles à tire d'ailes, elle commence à peser un peu moins que rien, et décide enfin de son chemin.
Petite boule de suie, attirée par la clarté d'un rayon de soleil, à contre-jour découvre sa famille de suies emportées.
Elles sont des milliards comme elle, plus lourdes ou plus légères à monter vers un ciel, dans un élan de volonté.

 

Plus haut, à chaque minute qui passe, petite suie en boule contemple le monde qui s'étire en arc. Plus haut encore, contre toute logique, grâce à son poids quasi magique, elle est conduite au-delà des limites bleues d'un ciel qui s'obscurcit, se noircit, se ténèbre.
Le rayon de lumière ascenseur s'est perdu dans le noir.
Petite boule de suie est rejointe par sa famille de poussières, flottant sur les vagues anthracites aux delà d'un air bleu : elle a quitté la Terre.

 

Long, temps se passe, à dériver dans la masse d'un rien apparent, à s'éloigner sans le savoir d'une Terre à peine entrevue, à compter les étoiles…

Long, très long temps, les tourbillons de pierres pressées, les rotations de matière noire, l'écho d'explosions lointaines pressent ensemble les petites boules de suie comme elle, les rapprochent et les lient dans l'univers…
Les bouquets de coton noir s'agglomèrent, tournent et roulent, prennent de la vitesse, les petites boules de suie font matière, sous la pression se changent en pierre. Des pierres par milliards parties pour un voyage, au-delà du temps, suivent les courants lents d'un océan presque immobile.

Pierres cellules, d'un monde à l'autre, se trouvent soudain happées à grande vitesse par un feu qui les consume. Elles fusionnent, fondent et s'envolent, changées encore, transformées et projetées pour l'ultime étape du voyage…


Tournent, tournent, tournent toutes les cellules d'un monde à naître dans le vortex monstrueux qui dévorent jusqu'au temps. Petite boule de suie, contractée à l'infini mariée à tous les corps à toutes les essences, se ressent si peu, à peine.
Elle est l'ombre, de l'ombre d'un souffle du passé, transportée jusqu'ici par un début de volonté, elle s'écrase dans sa pierre de lave et fond et s'étend sur un mur d'hologrammes où tout est, et demeure.
Le cœur de la spirale l'appelle, elle descend…

 

Ce qui entre, tant est serré, qu'il se divise, traverse le miroir, échappe au trou noir.
Pour toujours changée, pour toujours la même et son contraire, petite boule de suie repart dans l'univers chercher le photon de lumière et une autre famille de poussières. De roches en rochers, elle nourrira les soleils et les mondes pour s'y perdre et y renaître.

 

Il en est ainsi de toutes choses, d'un photon de lumière aux poudres d'étoiles, une petite boule de suie aussi est éternelle.

 



13/05/2016

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