Un calque en vie
Quarante ans d'inconnu,
À côté de mes pompes.
Quarante ans d'incongru,
Où mes choix, tous, se trompent.
La vie est une avenue que je suis
Sans une question, puisqu'on m'y pousse.
Sans havre, nue je m'enfuis,
Dévorée,hantée, par mes frousses...
Avec cette certitude, d'être différente,
Convaincue de l'orgueil, à la preuve inhérente.
Seule, dans la foule identique à chacun,
Secouée par la houle d'une vague de chagrin.
Je suis tu…
Vous comme moi…
Les pensées et les actes, les pulsions, les émois
Des millions de calques répétés tant de fois...
Que cherche la vie à travers nos clones ?
Que recherchent les clones à travers soi?
Dans ce flot vers la seule sortie chaotique,
Je surprends quelques gestes affolés, erratiques.
Je suis cette conscience, lucide dans ton esprit,
Tu es dans le mien ce haussement d'épaules fataliste :
Le courant nous emporte et nous le savons bien…
Mais au fond de ma poche, le voile que je sens là
Est le tuteur qui m'épargne la folie, l'effroi.
Quand le flux de la vie parfois s'est resserré,
Quand ma poitrine crie, m'oppresse à en pleurer,
Je sors de ma poche ce pli de coton léger…
À travers l'organza, sa lumière arc-en-ciel,
Le précipice recule et le temps ralentit.
Je vois alors sourire de belles âmes vénielles
Celles, encore sur terre et celles qui sont parties.
Elles sont rentrées aveugles, des deuils et des souffrances,
Et sereines, elles m'invitent à vivre comme en enfance,
En délaissant le voile,
Et quelque quarante ans.
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