Petit sortilege sans pretention

Petit sortilege sans pretention

Filistin le magicien (dés 6 ans )

 

 

« Ha ! Mais par exemple ! »

 

Le magicien Filistin agite sa baguette au-dessus de la tête d’un joli lapin rose.

 

« Qu’est-ce que c’est que ce lapin, je voulais un mangessonge ! »

 

Le magicien se concentre :

« Cantifruge célaron Altrédon le mangessonge ! »

 

La baguette -elle ressemble plus à un bâton noueux- crachote quelques étincelles et le lapin rose se change en une chimère étrange ayant un corps de grenouille surmonté d’une tête de lapin et cependant toujours rose ! Le mage regarde la bête avec curiosité mais aussi avec beaucoup d’agacement :

«  Sapristi ! Raah ! Mais comment cela se fait-il ? Serait-elle usée, pourtant Balthazar me l’a garantie à vie cette baguette magique ! C’est de la camelote ! Il va m’entendre ! »

 

Filistin se dirige vers la porte et jette son sortilège d’effacement sans se retourner, comme il en a l’habitude :

« Froutch ! Disparacusse ! »

 

Ce qui naturellement est destiné à effacer la chimère ! Mais le mage entend un barrissement puissant derrière lui et, se retournant, il se trouve à quelques centimètres d’un éléphant rose ; bien entendu !

 

Le magicien lève les yeux au ciel, il ne peut plus tenter quoique ce soit avec ce bâton magique défectueux. Il risque un drame, la prochaine fois, il pourrait convoquer un dragon rose et un dragon c’est beaucoup plus dangereux qu’un éléphant, fût-il rose.

 

En soupirant le magicien attrape la trompe de l’éléphant et sort de la grotte où il travaille. Heureusement, d’ailleurs, qu’il n’était pas dans sa maison : il peut ainsi faire sortir le pachyderme dehors. Dans sa maison la porte aurait été trop petite.

 

Avant toute cette aventure déplaisante, la baguette a toujours fonctionné bien correctement.
Et aujourd’hui qu’il fait son travail de chaque nuit, et qu’il a besoin d’un mangessonge, pas moyen de l’obtenir.

Filistin est très inquiet, les enfants vont faire d’affreux cauchemars et lui ne pourra pas les aider.

 

Un magicien peut agir sur lui-même : devenir invisible, se déplacer où il veut par la pensée, se soigner, se défatiguer, courir à cent kilomètres par heure ou porter un éléphant. Il peut faire ça sans baguette.

Mais il a besoin d’une baguette enchantée pour agir sur les créatures ou les objets. Et il pense qu’il doit emmener son énorme erreur rose avec lui.

 

Alors comme il ne peut pas téléporter l’éléphant jusqu’au magasin de Balthazar, il décide de le porter à bout de bras et de courir à cent kilomètres par heure, de cette façon, il ira suffisamment vite et pourra encore agir cette nuit.

 

Pauvre éléphant ! Lorsque Filistin remonte ses manches et soulève le pachyderme à bout de bras, l’animal barrit comme un pauvre hère paniqué, il agite ses pattes, tourne sa trompe dans tous les sens, bat des oreilles…

Le mage a beau lui expliquer qu’il ne risque rien -bien sûr que Filistin parle aux animaux- l’éléphant ne l’écoute pas.

En soupirant, le magicien, qui ne veut aucun mal à sa grosse bête rose, le repose au sol et réfléchit un instant…

« Bon ! Mon ami, je vais aller voir Balthazar et quand je reviens avec une baguette en bonne santé, je te rendrai à ton monde, mais ne bouge pas d’ici, c’est dangereux, si on te voyait tu finirais dans un zoo. »

 

L’éléphant répond en barrissant et retourne vers la grotte. Le mage hoche la tête, c’est une bonne idée.

 

La nuit est avance.

Dans son esprit Filistin entend les pleurs des enfants de la région dont il s’occupe normalement. Comme il n’a pas pu créer de mangessonge, il n’y a aucune protection contre les cauchemars et Filistin en est bien malheureux parce que le sorcier Fourche agira comme il lui plaît. C’est certain !

Le sorcier Fourche est le frère de Filistin, ils sont fâchés depuis très longtemps.

 

Cette nuit, en effet, Fourche lance une terrible attaque de cauchemars.

C’est de cette façon qu’il attrape la peur des enfants : il crée des cauchemars dans lesquels des monstres se cachent sous les lits, dans les placards, partout où il fait sombre.

Les monstres ont de grosses dents, de grandes griffes et ils sourient avec beaucoup de méchanceté.

Cela fait très peur aux petits rêveurs.

La peur, comme de la brume ou de la vapeur, sort des petites têtes et s’envolent hors des maisons.

Fouche, le fourbe cueille cette brume. Il la range dans des flacons spéciaux. Plus tard il les ouvrira dans les rues ou dans les maisons, dans les écoles, dans les chambres d’enfants.

Alors cette brume gonflée de peur se diffusera, et touchera des personnes. Dès lors, ces personnes se mettront en colère, se disputeront, se battront et parfois tomberont malades.

C’est alors que le sorcier se présentera devant tous ces gens qui ont des problèmes, à cause de lui. Il leur proposera de régler leurs soucis en échange, de choses rares et précieuses…

Fouche est un sorcier très riche, très habile et il est heureux de tracasser son frère.

 

Filistin chevauchant le temps et les étoiles se trouve bien vite chez de vendeur d’articles magiques. Il entre avec fracas dans la boutique et surprend le tout petit dragon qui garde les lieux. Dans son sursaut le reptile déploie ses ailes et crache un feu qui flambe le bas de la robe du magicien.

« Ha ça ! Tu me dois une robe Balthazar, en plus de la baguette ! »

 

Balthazar n’est pas comme son dragon, il ne s’effraye pas facilement et la colère de Filistin ne l’inquiète guère.

« Bien le bonjour monsieur le râleur ! Que me vaut le plaisir de te voir séant…

Le plaisir ! Le plaisir ! J’ai des enfants qui pleurent dans le noir à cause de ta baguette désenchantée !

Ha ? C’est très curieux on ne m’a jamais rapporté de problèmes : les baquettes sont chargées de magie jusqu’à l’usure du bois !

Oui, l’autre fonctionnait très bien, je suis bien certain que tu ne l’as pas fait exprès, mais celle-ci ne marche plus ! Et s’adressant au petit dragon qui, à présent, lui croque les babouches avec conviction, il suffit Diamant ! Je ne veux de mal à personne mais si tu continues à me mordre je te change en crapaud ! »

 

Le dragon lâche sa proie et retourne à son charbon en battant de la queue, mécontent.

Baltbhazar s’est approché et regarde la baguette de son client. Il la tourne dans sa main la soupèse, la renifle et tout à coup se précipite derrière sa vitre des révélations.

À travers la vitre on voit la baguette transpirer d’une brume violette, qui ressemble furieusement à de la brume de peur.

Filistin est stupéfait ! À quel moment son frère a-t-il pu trouver le moyen d’ensorceler son bâton !

« Ce n’est pas de mon fait ! Ta Baguette a été ensorcelée.

Je vois ça, pardon de m’être fâché ! Ce sont les enfants qui m’inquiètent…

Attends un peu j’ai ce qu’il te faut, je te l’offre pour l’incident de ta robe et pour les enfants »

 

Balthazar se rend dans l’arrière-boutique. Filistin regarde le dragon qui lui tire la langue avant de lui tourner le dos.

Le commerçant revient avec un onguent.

« Passe ta baguette dans la fontaine de Mathilda dehors et enduit la baguette avec cette pommade. À mon avis elle va se rétablir immédiatement !

-J’ai besoin d’autre chose. »

 

Filistin remercie poliment et en passant devant le charbon du dragon, lorsqu’il s’en va, il lâche, près du reptile, une sauterelle croustillante.

Comme toujours, il se dit :

« Ne te fais pas d’ennemi quand tu peux agir autrement. »

 

Fourche danse de joie : il a déjà rempli vingt-cinq flacons de peur pure…

Il fait un pas de trop se prend les pieds dans sa robe et tombe comme une crêpe.

Son genou lui fait mal, alors il lâche des troupeaux de démons sur les rêves des enfants -d’habitude il ne fait pas autant de mal parce que quelque chose au fond de lui n’aime pas tant que ça de maltraiter les petits mais la colère le change- Les cris redoublent et les flacons de peur se remplissent rapidement.

 

Tout à sa tâche Fourche marmonne ses mots de sorcier mais, brusquement, il sent un coup féroce porté à son derrière et un autre, et d’autres qui s’enchaînent sans qu’il puisse distinguer ce qui lui fait hont ainsi.

Il lâche quelques flacons de potions et cherche désespérément la source des coups.

« Formidablis visiblaris ! Dit-il en agitant son bâton »

 

Et soudain, en tournant la tête il voit son frère détesté prendre un élan pour lui mettre un coup de pied aux fesses. Filistin a chaussé les bottes de l’Invisible que balthazar lui a prêté pour punir et affronter son frère.

 

« Ça suffit ! Gronde Fourche,

En effet ! J’en ai assez ! C’est insupportable la souffrance que tu fais aux autres et surtout aux enfants !

Peu importe ! Les cauchemars ça s’oublie et les hommes sont des imbéciles méchants qui méritent leurs malheurs !

Ho ! Ainsi c’est comme ça que tu te justifies ! Les hommes sont méchants, ils méritent que tu les punisses ? Et pour cette raison tu t’autorises à être encore plus affreux qu’eux, car oui ! Tu es bien plus mauvais : tu as du pouvoir, tu devrais en faire l’usage pour lequel nous avons été élevé, et au lieu de quoi tu martyrises des enfants, crois-tu que notre mère qui nous aimait tant t’approuverait ?

Qui T’aimait tant, toi ! C’est toi qu’elle aimait ! »

 

Filistin agrandit les yeux, il comprend enfin toute la colère et la haine de son frère. Fourche croit que leur mère ne l’aimait pas !

Stupéfait, Tandis que ses yeux se remplissent de larmes, Filistin demande doucement :

« Elle ne t’aimait pas ? Mais Fourche bien sûr que si !

Non, son regard a changé quand j’ai invoqué Polymère et qu’il a détruit le temple des magiciens !

Elle m’avait dit qu’elle ne me le pardonnerait pas si je m’obstinais à le faire venir !

C’était très dangereux, Polymère aurait pu détruire le monde et il a fallu toute la magie pour le renvoyer et te sauver ! Tu veux toujours plus de pourvoir Fourche ! Mais pourquoi faire, par Merlin !

Tu n’as rien compris, je voulais l’éblouir, qu’elle m’aime comme toi ! Tu es son portrait craché et je n’oublierais jamais son regard quand je me suis réveillé après avoir perdu le contrôle du monstre ! »

 

Sans rien dire Filistin fait danser ses bras doucement et murmure :

« Invocatorum ! »

 

Et, dans le ciel étoilé, apparaît le visage de leur père, un grand magicien mort pendant un combat avec une chimère.

À côté de ce visage, Filistin fait jaillir l’image de son frère. Fourche et son père se ressemblent tellement qu’on dirait presque la même personne. Fourche fronce les sourcils et son frère chuchote :

« Regarde comme tu lui ressembles, maman a épousé cet homme. Tu as son talent, ses qualités, et ses défauts. Tu es arrogant, comme lui, tu crois qu’il n’y a pas de limite, qu’on peut faire ce qu’on veut si on peut ! Mais je connais ton cœur sans toute cette colère, tu es bon, comme lui, c’est ce que maman aimait par-dessus tout : son cœur et donc le tien. Fourche, quand tu étais évanoui, au centre du cercle dans le temple, notre mère a cru que tu allais mourir, elle était si inquiète. Elle a veillé sur toi pendant deux jours et deux nuits. Quand tu as ouvert les yeux, elle était tellement soulagée et si triste. Quand tu as ouvert les yeux, elle a vu la mort de notre père une nouvelle fois. Et puis tu as fui, honteux, en prétendant que le monde entier était responsable, tu as même fini par le croire. Et tu n’es jamais revenu et ceci, moi j’avais du mal à te le pardonner, mais maintenant que je comprends je te plains mon frère… Sais-tu ce qu’elle m’a dit dans son dernier souffle ? Fourche ne parle pas mais il écoute et espère, elle m’a dit, fais savoir à ton frère que je l’aime et que j’emmène mon amour pour vous dans le ciel pour rejoindre votre père. »

 

C’est étrange sans doute d’imaginer un sorcier aussi méchant jusque-là- et fort, éclater en sanglot, c’est pourtant ce Fourche fait. Il met les mains sur son visage se laisse tomber sur le sol en pleurant

 

Filistin, avec sa baguette réparée murmure :

« Cantifruge célaron Atrédon le mangessonge ! »

 

Un gros bonhomme rose voletant et souriant apparaît parmi des fleurs et se sépare en deux. Puis deux gros bonhommes roses flottants parmi les fleurs se séparent en deux, puis quatre bonhommes roses flottants parmi les fleurs se séparent en deux, puis seize bonhommes… jusqu’à ce qu’il y ait assez de mangesonges pour chasser les démons et rendre leurs rêves aux enfants. La joyeuse armée de Fililstin s’égaie vers les esprits des petits, Rapidement leurs cris cessent et la nuit retrouve son calme.

 

Filistin s’agenouille devant Fourche et le prend dans ses bras. Il murmure :

« Partage. »

 

Fourche ressent alors l’amour de son frère et à son tour le prend dans ses bras.

 

La société des magiciens est sévère, elle veut prendre tous ses pouvoirs au sorcier repenti, mais Filstin promet qu’il s’occupera de Fourche et qu’ensemble ils travailleront à rendre le monde meilleur.

Alors les sages désignés pour réfléchir aux problèmes de magiciens prennent suffisamment de pouvoir à Fouche pour l’empêcher de nuire si une colère venait à le reprendre, mais ils promettent que si le sorcier fait autant de bien qu’il a fait de mal il pourra reprendre ses forces…

Heureusement que les magiciens vivent très longtemps.

Filistin et Fourche vivent ensemble, se disputent parfois comme deux frères, mais s’aiment sincèrement et regrettent toutes ces années de guerre, ces années perdues

 

Et l’éléphant rose ?

Quel éléphant rose ? Ha oui ! Et bien il est retourné d’où il venait bien sûr, dans mes rêves. Comment croyez-vous que j’ai appris cette histoire ?

 

 



13/08/2020
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