Petit sortilege sans pretention

Petit sortilege sans pretention

Juste assez de magie ---------audio------

 

Une toute petite fille, assise sur la mousse du sol, comme une literie, douce et odorante, s'éveille pour la première fois ; une toute petite fille à la chevelure presque liquide, tant elle brille. Elle est veillée par un chat.

Il se lèche la peau, sa toilette est rapide. C'est un chat étrange dont l'épiderme est semblable à la peau d'un Homme.

Oscillant de la pointe, à droite, à gauche, sa queue se balance, quand le chat se dandine s'approchant de l'enfant.

 

L'ondine jolie, ses grands yeux candides, ouverts depuis peu, le regarde s'avancer.

Elle n'a pas de question, ni d'attente, pour le moment sa tête est vide.

C'est le travail du chat, il vient chuchoter destin et désirs à ce corps pour que l'enfant s'incarne et réellement, commence à vivre.
Il en est des ondines comme des bébés des hommes : les chats se penchent sur les berceaux, se lovent dans la chaleur et ronronnent des secrets. Il s'agit de secrets si terribles qu'il est préférable, sans doute, d'empêcher les chats d'agir. Des nourrissons parfois ne peuvent le supporter et repartent dans les limbes.
Ceux qui écoutent, s'ouvrent des portes sensibles de poésies, de sorcelleries, d'enfers ou de paradis ; tous les chats ne se ressemblent pas.

 

L'ondine n'a rien à craindre : les enfants de l'eau naissent plus résistants. Ils ont l'âge de supporter le rituel.

Le chat nu s'est lové entre les jambes potelées et ronronnent son savoir occulte.

Peu à peu brille, dans les yeux de l'enfant, la lumière de son âme.

Et comme ça, sans l'apprendre, elle comprend le chant du vent, la danse des abeilles, les prémisses du temps et le cœur des Hommes.
Le chat, son travail accompli, s'en retourne tranquille dans les bras de la mère absente, d'une dimension voisine ; les chats traversent facilement les miroirs d'Alice.

La petite fille doit vivre son destin, elle remonte le cours de l'eau vers les Hommes.

Elle connaît dans son cœur, une femme gentille qui l’accueillerait sans doute. C'est une petite dame froissée par l'âge, à peine capable de se déplacer désormais.
Il reste à l'ondine juste assez de magie.

 

Le long d'un chemin de terre battue où des coquelicots montent la garde, la belle enfant de l'eau, aux yeux gris d'argent laisse son cœur trouver la grand-mère.
Vous savez des chaumières ce que j'en sais, elles sont charmantes et n'ont pas d'âge. Les oiseaux et les fleurs, les abeilles et les vergers l'habitent autant que les pensées des gens qui s'en souviennent.
L'ondine caresse du doigt la barrière de bois blanc.

 

Elle entre dans le monde en franchissant le seuil. Dans son fauteuil à bascule, la vieille dame lui sourit. Elle trouve la demoiselle jolie comme un cœur ; mais ce sont ses cheveux qui la surprennent le plus, cendrés ondulant, animés des reflets de lumière… La petite lui offre un sourire qui éclaire son visage de porcelaine.

Il lui reste juste assez de magie.

Elle s'approche de la grand-mère, se hisse sur les genoux fragiles. Le fauteuil acquiesce, d'avant en arrière. L'ancienne, à la main douce d'une peau d'autrefois, enveloppe de sa paume la joue qui se propose.

L'enfant saisit le visage creusé des sillons de tant d'années et dépose sur les lèvres anciennes un baiser léger…

 

Il lui restait juste assez de magie pour que deux mondes se fondent dans l'un et dans l'autre.

Sur la terrasse de bois vieilli d'une charmante chaumière, une jeune maman cajole son bébé. Confortablement assise au creux d'une chaise à bascule, elle a oublié sa vie première dans laquelle elle s'est éteinte le matin même.

 

Bien sûr ce n'est qu'un conte, mais ce qui s'écrit vit quelque part, ailleurs, dans les rêves ou dans d'autres dimensions.



24/06/2017
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