Petit sortilege sans pretention

Petit sortilege sans pretention

L'enfant rouge

 


 

 

 

Dans un village au pied d’une montagne, le ventre d’une femme s’arrondit.

Son village est construit à côté d’une grande et très belle forêt qui nourrit et chauffe tous les villageois.

On raconte même que des petits lutins y vivent et que c’est pour cette raison que la forêt est si belle.

Lorsque l’automne rappelle aux arbres que l’hiver n’est pas loin et que les arbres, autour du village deviennent rouges, la dame met au monde un petit bébé, un garçon.

 

Il est très beau et aussi vivant que possible, débordant d’énergie.

Mais comme beaucoup de personnes sur cette terre il est différent et pourtant comme personne sur cette terre sa peau est rouge.

 

Le voyant pour la première fois, sa maman est tout à fait étonnée et un peu chagrinée aussi. Elle sait que certaines différences sont plus difficiles que d’autres à supporter et que les personnes qu’on croise ne sont pas toutes de gentilles personnes.

Elle sait que son petit garçon rouge devra subir des moqueries et des méchancetés : les gens n’aiment pas les choses qu’ils ne comprennent pas et ils pensent souvent que les différences sont une mauvaise chose ; ça leur fait peur.

 

Mais en voyant le sourire de son bébé, comme s’il voulait la rassurer quand elle le prend dans ses bras, elle décide que tout se passera bien. Elle appelle son enfant Corail, comme ce corail rouge qui pousse dans l’océan.

 

La maman avait raison. Beaucoup de femmes et d’hommes dans le village disent que ce petit Corail est une mauvaise chose, que la couleur de sa peau est le signe qu’un malheur viendra et que les villageois auront des problèmes de maladies, ou peut-être seront-ce les animaux ou peut-être les récoltes, mais que certainement un malheur viendra !

 

Corail grandit dans l’amour de sa mère, de son père, de sa grand-mère.

Il voit que sa peau est différente des autres gens et le jour où il s’y intéresse, il demande pourquoi il en est ainsi.

Sa maman lui répond qu’elle l’a désiré si fort et qu’elle voulait que la vie de son bébé soit si belle, que cela a changé couleur de sa peau afin que tout ce qui est magique et qui veille sur les Hommes de la terre le reconnaisse et le protège.

Bien sûr Corail croit sa maman et il grandit paisiblement. Il n’est jamais seul et n’est pas dérangé par sa différence.

 

Mais un jour il entre à l’école.

Et là, les enfants des personnes qui ont peur de sa couleur, se moquent de lui, font des rondes en criant :

« Vilain et Rouge, Vilain Rouge tu es comme le feu, la couleur de ta peau elle brûle nos yeux, Vilain et Rouge, Vilain Rouge personne ne t’aime, cache-toi vilain rouge tu fais de la peine. »

 

C’est trop difficile pour Corail.

Rapidement il ne va plus à l’école. Il étudie chez lui, voit peu de monde et se console dans la forêt, quand il a trop de chagrin il se confie aux arbres, et peut-être aux lutins. Il y va souvent avec son chien.

 

Sa famille est fâchée avec presque tout le village. Sauf avec certaines vieilles personnes qui ont vu tant de choses que plus rien ne les effraient, sauf avec Suzie dont la couleur préférée est justement le rouge et dont la famille est bienveillante et sauf avec Gégé, le chien de Corail qui l’aime plus que tout et ne s’intéresse pas à sa couleur.

Et d’ailleurs, il s’en fiche, Gégé : il ne voit qu’en noir et blanc.

 

Mais quand même Corail est triste de ce que la plupart des villageois se méfient de lui et soient méchant à son égard.

 

Jusqu’au jour de l’incendie….

 

Un incendie est un feu comme un monstre qui dévore tout et qu’on ne peut pas éteindre facilement. Un incendie peut manger les arbres, les maisons, les animaux et même les gens.

 

Dans la maison de la famille Tanpis, grand-père Joseph s’est endormi

Grand-père Joseph est très vieux, il s’endort n’importe où et ne fait plus très attention à ce qu’il y a autour de lui.

Alors en cette fin d’après-midi, tous les Tanpis sont occupés à travailler, à l’école et dans les champs. Grand-père Joseph seul, s’endort et son bras, en retombant, bouscule une bougie sur la table.

La flamme s’accroche au rideau monte le long du mur et l’incendie se déclare.

Le bruit du feu réveille Joseph qui sort aussi vite qu’il le peut et regarde la maison se transformer en monstre de feu.

 

Corail a neuf ans, lui aussi est seul chez lui, il lit un livre que Suzie lui a prêté et qui vient de l’école.

La maison des Tanpis est cachée par une colline et même la fumée du feu géant est poussée de l’autre côté du village si bien que personne ne peut deviner ce qui se passe, sauf le petit garçon rouge car son logis est voisin des Tanpis.

 

Quand il comprend qu’un grave accident s’est produit, Corail sort de chez lui en courant comme le vent…

Il se précipite à l’église : c’est là qu’on peut sonner une grosse cloche qui appellera tout le monde.

 

Corail a neuf ans et c’est encore un enfant. La cloche est lourde, il tire sur la corde de toutes ses forces mais la cloche ne fait qu’un tout petit « ding »… Alors il tire et tire, et la corde monte et redescend, monte et redescend. Enfin elle résonne assez fort pour que chacun puisse l’entendre.

 

Lorsqu’il en est sûr, Corail sort et court vers la maison de Grand-père Joseph.

Il croise le vieil homme affolé qui se déplace aussi vite qu’il le peut, en criant « Au secours ! Au secours ! »

 

C’est une catastrophe : le feu a attrapé un arbre à côté de la maison des Tanpis, puis un autre, puis un champ de paille puis un autre arbre. Il est maintenant très proche de la forêt qu’il va dévorer…

 

L’incendie est trop grand, trop fort, même les habitants nombreux qui approchent ne pourront pas l’éteindre.

 

Les gens sont tristes, ils sont en colère et ils ont peur.

Ils regardent Corail tout prêt à crier contre lui, en pensant :

« C’est de sa faute, l’enfant rouge porte malheur... »

 

C’est injuste évidemment et en sentant tous ces regards peser sur lui, Corail se met à pleurer.

Sa maman pose les mains sur ses épaules, elle voudrait le consoler mais son garçon se dégage et, tourné vers les villageois, mais s’adressant au ciel il se met à crier :

« A tout ce qui est magique et qui veille sur les Hommes, vous me connaissez ; je suis l’enfant Rouge, que vous protégez. Je vous supplie de nous aider à éteindre cet incendie qui va dévorer le village et la forêt si belle. »

 

Soudain le vent se lève et avec lui les flammes montent jusqu’aux cieux. C’est effrayant on dirait que la prière de Corail a rendu le feu encore plus dangereux, mais avec le vent, le ciel se charge de lourds nuages d’eau et la pluie retombe soudain comme si des millions de sceaux se vidaient en même temps.

 

Le feu s’éteint brutalement, c’est un miracle.

Le silence apeuré des villageois se transforme en hurlements de joie. L’homme à côté de Corail, l’attrape sous les bras, le place sur ses épaules en criant :

« Cet enfant rouge est un porte-bonheur, il n’a jamais causé le moindre mal et je le remercie de tout mon cœur. »

 

 

Pour tous, Corail est un héros.

 

Les villageois abritent la famille Tanpis et on reconstruit une maison pour eux de l’autre côté de la colline.

 

À la place de la maison qui a brûlé, le printemps suivant, un arbre grandit brutalement, un arbre magique.

. Lorsque l’automne arrive et que ses feuilles tombent chacun peut voir que son tronc et ses branches deviennent totalement rouges, de la même couleur que la peau de Corail.

 

La forêt montre, ou peut-être sont-ce les lutins, qu’il est protégé et que sa couleur est belle.

 

 

 

 

Musique de fond scott buckley



12/10/2020
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