Petit sortilege sans pretention

Petit sortilege sans pretention

Mamie Croque (dés 5 ans)

 

 

 

 

 

Croque ! Croque ! Croque !

Les cacahuètes, les amandes, les noix et les noisettes…

Elles sont solides, les dents de mamie Croque.

Normalement, la vieillesse ralentit les personnes ; elles ont le pas moins rapides, leurs gestes sont plus mesurés, économes et des rêves habitent les pensées des personnes âgées et leur font oublier le présent.

 

Mamie Croque, n’est pas ainsi, plus le temps passe, plus elle accélère, ses petits pas l’emmènent très vite de la boulangerie au boucher, du bazar du coin au café pour acheter le journal.

Croque ! Croque ! Croque !

Dans les poches de Marguerite, la main de la vieille dame fouille et retourne à sa bouche.

 

Elle est toute petite, cette grand-mère, ses cheveux violets sont ébouriffés, son vieux tablier couvre une robe bien chaude et son panier d’osier n’a pas d’âge.

Croque ! Croque !

Mamie pressent tous les commerçants de se dépêcher :

« Allons faites vite, monsieur le boucher, je suis pressée ! »

« Mais oui madame, ça ira très bien, je n’ai pas le temps ! »

« Le Bienveillance, monsieur… Non ! Merci, je ne veux pas d’autre journal, je vous prie de faire vite! »

 

Si vous demandiez à mamie Croque ce qui tant la presse, elle vous répondrait :

« Le temps, mes chers enfants ! Le temps me presse ! »

 

Et Marguerite rentre chez elle, trottant, trottant et sautillant, comme un petit oiseau au sol.

 

L’habitation est aussi vieille que l’habitante et le ciment de son manteau gris se fissure ici et là. Mais elle est accueillante, la vielle maison : il y a un sourire dans son toit penché et de la malice dans ses fenêtres de rondes

 

Dès qu’elle franchit la porte, mamie Croque pose ses commissions et accélère encore.

Elle va si vite que ses gestes n’ont plus rien de naturels. C’est magique !

Il ne lui faut que quelques secondes pour ranger ses courses, quelques minutes pour mettre à cuire son ragoût de bœuf sur la cuisinière.

Et sa main va-et-vient de sa poche à sa bouche : croque et croque !

Maintenant elle s’assoie et lit calmement son quotidien, le ragoût se moque du temps qu’il lui faudra pour cuire. Dans le journal, mamie Croque cherche les pages des bonnes nouvelles, ça lui donne des forces.

 

Sur la table, elle attrape le livre usé des enfants du monde, à la page du jour, le livre annonce trois-cent-quatre-vingt-huit-milles-huit-cents naissances . Un petit traits bleu ou un autre vert représente un enfant.

Mamie Croque se réjouit : il semble qu’il y ait, ce jour-là, plus de petits traits verts que de bleus.

Cela mérite bien quelques noix et noisettes. Croque ! Croque !

 

Marguerite se concentre, plisse les yeux et le grimoire alors, efface tous les traits bleus de ses pages, il ne reste que les verts.

Chaque jour, le grimoire inscrit tous les enfants du monde et chaque jour, la vieille dame n’invoque que les petits traits verts. Si mamie Croque pose son doigt sur un trait, dans son esprit apparaît le chemin pour le trouver.

Marguerite referme le livre des noms et pioche une noisette dans sa poche.

 

Il lui reste à faire quelque tâches ménagères poussière et balayage, nourrir son chat et son araignée.

Le ragoût n’a qu’à cuire tout seul ! Mamie Croque ne veut plus attendre. Elle baisse le feu de la cuisinière et pose la gamelle à l’endroit le moins chaud.

 

Bien qu’on ne soit qu’au milieu de l’après-midi, la grand-mère tire tous les rideaux !

Il ne s’agirait pas que de la rue on puisse voir ce qu’elle va faire.

Mamie Croque, le grimoire qu’elle a récupéré à la main entre dans un salon ancien.

Il s’y trouve une bibliothèque ordinaire et sur les étagères d’icelle, des livres de contes et de magies sont soigneusement ordonnés. Mamie Croque fait basculer vers elle un livre titré :

« Je n’ai pas de secret ».

 

Et soudain la bibliothèque glisse sur le sol et libère un seuil. Marguerite entre dans un couloir qui semble sans fin et qui descend légèrement.

Elle souffle sur sa main et une petite luciole très lumineuse apparaît pour éclairer la vieille dame.

Derrière elles la bibliothèque ferme le passage.

 

La grand-mère retrouve sa trottinette contre le mur. Elle en saisit les poignées et son pied gauche pousse sur le sol et se relève : la trottinette se met en mouvement, elle roule.

Mamie pousse de plus en plus fort et son petit véhicule avance maintenant plus vite qu’une voiture…

Le couloir est long, il doit bien compter vingt kilomètres, Marguerite arrive à destination en quelques minutes.

 

Elle ralentit et s’arrête rapidement.

Devant elle s’ouvre une pièce toute ronde sans fenêtre mais avec deux tuyaux, l’un d’eux est une cheminée et l’autre est assez large pour laisser passer une personne.

 

Tout à coup, un papillon grand comme un chien s’envole vers mamie Croque en produisant un bruit d’hélicoptère, les cheveux violets de Marguerite s’agitent.

Elle rit et tend un flacon qu’elle a pris dans l’armoire :

« Tient mon Citron, voici ta potion. »

 

Marguerite lui prépare un nectar de fleur spécial, en y ajoutant sa potion « grandit ».

C’est elle-même qui a créé son papillon avec une cire étrange un rayon de lune, de la soie et une formule que je ne connais pas.

 

Pendant que le papillon grandit, mamie prépare une vingtaine de flacons de verre qu’elle met dans un sac à compartiments avec son grimoire.

Elle pose un fichu sur sa tête, enfile un manteau très chaud et fixe une ceinture à Citron qui a maintenant la taille d’un petit cheval.

«S’il te plaît, Citron… , dit Marguerite »

 

Le papillon fléchit les pattes et laisse Mamie Croque monter sur son dos, mais elle redescend aussitôt : elle a oublié de mettre sa poche de noix dans la poche de son manteau.

Croque ! Hop !

« Citron, en avant »

 

Le papillon connaît bien le chemin, chaque jour il l’emprunte et avec mamie Croque. Il suit la pente douce du tuyau et remonte à la surface du monde. Le tuyau conduit sous un pont. Quand ils sortent tous les deux de la bouche du trou, celui-ci disparaît. C’est-à-dire qu’il devient invisible, il ne faudrait pas que des Hommes s’introduisent dans le laboratoire de Marguerite !

Le soleil est bas sur l’horizon la nuit tombera bientôt, Citron est à l’aise dans le noir.

 

Croque !

Et hop ! S’envole…

 

Mamie Croque s’en va cueillir la poussière d’amour qui flotte un peu partout au-dessus de certaines maisons, les maisons des enfants verts.

Ha ! Marguerite à besoin du grimoire.

Les petits bâtons verts brillent dans la nuit, sur les pages du grimoire, certains plus que d’autres. Parce que des enfants sont si heureux qu’ils peuvent donner un peu de leur joie de vivre et de l’amour qu’ils reçoivent… ou donnent.

 

Vous vous demandez comment c’est possible… Je ne suis pas magicienne, mais je sais quelques secrets, par exemple, la première fois qu’un enfant rit, une fée née quelque part.

 

Eh bien, mamie Croque, appartient à se monde de magie, elle sait recueillir les poussières d’amour et de tendresse qui s’envolent vers le ciel.

Les poussières qu’elle ne cueille pas, se rejoignent et dessinent des rideaux d’aurore boréale, au pôle nord ; c’est le seul moyen que nous ayons de les voir, vous et moi.

Mais mamie elle, non seulement les vois, mais comme je vous l’ai dit, elle peut aussi les capturer.

 

Citron, son papillon est encore plus rapide qu’elle, aussi rapide que les rennes du Père Noël. C’est à peine si elle a le temps de croquer une noisette et deux cacahuètes et les voilà en Australie… Is remonteront ensuite vers l’Afrique et puis feront un tour en Inde et en Chine, pour retourner en France en traversant l’Europe.

 

Et tout ce temps, ils rencontrent et collectent des nuées de poussières que nous ne pouvons voir, elles sont pourtant d’un vert lumineux et vivant. Elles traversent le toit des maisons, des huttes, des maisons de bois, des yourtes.

Mamie Croque inspire avec son nez de toutes ses forces et quand ses poumons sont remplis, elle souffle tout doucement dans un flacon de verre. Et c’est de l’amour et de la tendresse qu’elle met en bouteille.

 

Ho cette poussière est d’une richesse, incroyable qui a plus de valeur que tout ce qui existe dans ce monde, l’amour, la tendresse c’est tellement précieux.

Marguerite ne les garde pas pour elle.

 

Elle rentre avec Citron par le tuyau sous le pont.

Il était temps la potion « Grandit » a fini ’agir et citron reprend sa taille de chien.

 

Dans le laboratoire, le papillon se pose sur un coussin bien doux et s’endort, il se réveillera le lendemain pour faire des trucs de papillon avant que mamie Croque ne le rejoigne.

 

Voici maintenant le moment que Marguerite préfère.

 

Elle sort chaque flacon de sa besace et les pose devant elle ; c’est beau ça brille d’amour et de magie. Mamie Croque en oublie ses noisettes.

Tous ces amours d’enfants, toutes ces tendresses livrées au vent, c’est doux comme une caresse, ça consolerait n’importe qui et c’est à cela que va servir cette magie.

Elle consolera les enfants qui sont des traits bleus dans le livre des noms. Ces pauvres enfants qui n’ont pas tout l’amour dont ils ont besoin.

« Bien ! Il ne me reste plus qu’une chose à faire ! Dit mamie. »

 

Alors Marguerite chante et son chant s’envole vers le ciel et traverse le monde jusqu’au pôle nord.

Un lutin du père Noël l’entend et sourit. Il siffle avec ses doigts et quelques-uns de ses amis le rejoignent. Les lutins ferment les yeux, se bouchent le nez, ferme la bouche et souffle, l’air gonfle leurs joues et débouchent leurs oreilles et quant à nouveau ils ouvrent les yeux, ils sont dans le laboratoire de mamie Croque.

 

Elle partage avec eux un chocolat chaud et ses noix.

Ils parlent du monde et du Père Noël. Marguerite ne le voit qu’une fois par an, quand il a fini sa tournée. Les lutins disent qu’il est très en forme.

 

Enfin, elle leur donne les flacons de poussière, les lutins l’embrassent et s’en vont.

 

Que font-ils avec la poussière ?

Mais des jouets pardi ! Ils en remplissent les peluches, en peignent les jouets, en tisse les vêtements, en enduisent les cheveux des poupées, et la peaux des baigneurs, ils en glissent dans les mots des livres…

 

C’est pour ça qu’il y a tant d’amour à Noël. J’espère que le Père Noël n’oublie personne.

De toute façon, presque toutes les grand-mères ont en elle, de cette tendresse et de cet amour. Elles les collectionnent depuis si longtemps ; alors si le Père Noël oubliait un enfant, les vieilles dames sauraient quoi faire.

 

Pensive, Mamie Croque finit son sac de noisettes

Croque ! Croque !

Elle caresse la tête toute douce de Citron et reprend sa trottinette.

Comme chaque soir elle est fatiguée mais satisfaite.

 

Elle traverse enfin sa bibliothèque.

Un gratouilli-gratouillon à Tricote son araignée, un bisou à Chaton et elle rejoint sa chambre pour se glisser dans son lit avec joie.

Elle n’a même pas envie de manger, mais avec toutes les noisettes qu’elle a croquées, ce n’est pas très étonnant.

 

Est-ce que Marguerite reçoit un cadeau pour Noël ?

Bien sûr ! L’année dernière elle a eu une trottinette !

Cette année elle aura probablement une casserole neuve, Marguerite a oublié son ragoût sur la cuisinière !

 



11/12/2020
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