Petit sortilege sans pretention

Petit sortilege sans pretention

Marie se cache

 

 

 

 

 

 

Sur le bord des fenêtres de Robert, des rivières coulent jusqu’au sol. Des rivières végétales, des rivières de feuilles et derrière elles, se cache un drôle de poisson : Marie.

Elle se sent en sécurité, dans sa cachette, son monde est petit et vert.

 

La fillette n’est bien dans le monde que si elle peut donner la main à sa maman ou à son papa. Mais quand ils ne lui tiennent pas la main, Marie se cache : sous son lit, dans son armoire, derrière les portes, sous les draps et les longs rideaux de Mamicha, sa grand-mère.

Dans la cour de la maison, Marie s’efface derrière les rivières qui coulent depuis le bord des fenêtres de Robert.

 

Maman Suzanne est la reine du cache-cache : elle a de l’expérience et connaît les meilleures cachettes de Marie.

Derrières les feuilles qui piquent un peu, maman Suzanne agite sa main pour un coucou. Elle invite sa petite chérie à quitter son abri.

« Et bien mon Cœur, tu n’as pas faim ? C’est l’heure du goûter...

Si j’ai beaucoup faim… Y’a des nabanes ?

Oui, il y a des bananes

Tu peux faire avec du sucre ? Maman sourit légèrement,

Faire quoi ?

Des nabanes avec du sucre...

Des Bananes !

Des Ba na nes avec du sucre ?

Oui mon lapin, on y va ! »

 

Marie n’a pas toujours eu peur du monde. Lorsqu’elle était plus petite, Marie ne se cachait pas et pouvait jouer sans maman Suzanne, papa Pierre ou Mamicha. Mais depuis qu’elle va à l’école le monde a changé.

Il y a dans son école, des enfants méchants.

 

Pourtant son premier jour d’école, c’était il n’y a pas si longtemps, s’était bien passé : la maîtresse était gentille et Marie avait fait des choses intéressantes.

Le deuxième jour aussi, c’était bien : Marie avait fait la connaissance de Julie et Dylan. En rentrant à la maison, elle avait dit à maman :

« Ils sont gentils et ils me prêtent ! »

 

Maman était contente. Elle a même pleuré un peu parce qu’elle était soulagée que Marie aime l’école. Et Marie avait compris combien c’était important qu’elle soit heureuse là-bas.

 

Mais le troisième jour, ça avait été un jour tout gris : Dylan était malade, il était resté chez lui et Julie était venue à l’école avec son chagrin ; elle avait envie de rentrer. Elle avait passé la matinée sur le tapis Câlin avec son doudou.

Normalement on n’a pas le droit d’emmener son doudou à l’école : il attend avec les sacs ; sauf si on fait la sieste mais, quand on en a vraiment besoin, la maîtresse permet qu’on le prenne et qu’on aille se consoler sur le tapis Câlin.

 

Alors ce jour-là, gris, Marie était un peu seule sans ses deux amis.

Pendant la récréation, elle était restée au milieu de la cour, sans trop savoir quoi faire, quand soudain, elle avait entendu la voix d’un garçon derrière elle, lui demandant :

« T’es toute seule ? »

 

C’était Lénaïc, de la classe des moyens, Marie avait répondu :

« Hmmm...

T’es toute seule parce que t’es moche ! »

 

Marie avait eu, tout de suite, envie de pleurer, mais elle n’avait rien dit.

Elle ne savait pas ce que c’était « moche » si on le dit à un enfant.

Elle savait pour les habits, pour les sorcières mais pas pour les enfants.

Pourtant elle devinait que ce n’était pas gentil, aussi se sentait-elle blessée.

Lénaïc s’était éloigné et Marie avait pleuré toute seule au milieu de la cour. Claudia était alors venue la voir. Claudia c’est la dame qui aide la maîtresse. Elle lui avait donné la main et demandé ce qu’il s’était passé.

« Lénaïc a dit que je suis moche !

Et toi qu’est-ce que tu en penses ?

Je suis pas moche : je suis pas une sorcière !

Voilà tu n’es pas moche et Lénaïc ne s’est pas bien conduit ! Viens avec moi ! Nous allons aller le voir. »

 

Marie avait suivi Claudia jusque Lénaïc et la dame l’avait grondé et dit :

« Tu ne dois pas faire de la peine aux autres en disant de méchantes choses ! Alors je t’écoute : demande pardon à Marie de lui avoir fait de la peine volontairement ! Marie as-tu quelque chose à ajouter ?

Je suis pas moche ! »

 

Lénaïc s’était alors excusé mais il était très fâché.

Marie était partie jouer sur le toboggan le reste de la récréation.

 

Pour ne pas faire de peine à maman Suzanne, la petite fille n’avait rien dit de sa méchante aventure.

 

Mais les jours suivants Lénaïc ne cessa pas de l’embêter et Claudia, à force, n’était plus aussi ferme.

De son doigt, elle le menaçait de loin, ou lui criait d’arrêter mais dès qu’elle détournait les yeux, le déplaisant garçon tapait Marie ou lui tirait les cheveux.

C’était souvent, c’était tous les jours. Et finalement, Marie, qui ne disait rien à ses parents, ne voulait plus aller à l’école…

Ni au parc… Ni au bac à sable d’icelui, des enfants malpolis tiraient la langue…

Ni à la piscine, des crapauds poussent dans l’eau. Ni chez Charlène sa nourrice, parce qu’elle lui  dit toujours :

« Tu es grande maintenant, arrête de pleurer ! »

 

En fait Marie n’avait plus envie de jouer avec des enfants, ni de quitter la maison. Même ses amis à l’école ne l’aidaient pas parce que parfois, eux aussi se disputaient.

Et Lénaïc continuait à lui faire de la peine, ou du mal.

Marie faisait des cauchemars, elle se réveillait en pleurant. Et ça arrivait souvent maintenant.

Alors, même si elle ne disait rien, Suzanne s’inquiètait : quelque chose n’allait pas. Elle demanda à Claudia et à la maîtresse.

« On a bien remarqué que Marie n’est pas très gai mais rien de spécial autrement.

Oui, ajoute Claudia, Marie a des amis mais elle ne joue pas trop et réclame souvent le coin câlin. J’ai observé que Lénaïc l’embête un peu... »

 

Aujourd’hui Suzanne insiste auprès de chérie :

« Qu’est-ce qui ne va pas ? Marie répond,

J’aime bien l’école, mais des fois je m’ennuie, je préfère être avec toi et papa…

Tu sais mon Cœur ? Je sens que tu es triste et tu fais des cauchemars, tu ne joues pas à l’école, tu as besoin de ton doudou, beaucoup ! Il faut me dire le problème, je peux t’aider ! Quelqu’un te fais des misères à l’école ? Ou chez la Nounou ?

-J’aime bien l’école… Mais cette après-midi, je veux rester avec toi…

-Mon cœur, je travaille, je ne peux pas te garder avec moi… »

 

Maman réfléchit un peu :

« Je sais ! Aujourd’hui je te conduis chez Mamicha mais, en échange, tu vas faire quelque chose.

-C’est quoi ?

-Tu diras ce qu’il se passe à ta grand-mère… Elle pourra garder ton secret, si c’est ce que tu veux et comme ça, tu seras peut-être moins triste. »

 

Maman part au travail, Marie lui dit au revoir par la fenêtre. Mamicha tend les bras :

« Vient ici Mon P’tit poussin, j’ai besoin d’un câlin… »

 

Mamicha sent bon elle est confortable. Marie se glisse dans ses bras, elle est assise sur ses genoux. Mamicha se balance d’avant en arrière en chantonnant la chanson de Cendrillon…

« Les rêves qui sommeillent dans nos cœurs, au creux de la nuit,

Habillent nos chagrins de bonheur, dans le doux secret de l’oubli,

Oublie tes chagrins et demain, le soleil brillera toujours,

Même si ton cœur a l’âme en peine, il faut y croire quand même le rêve d’une vie…

J’ai eu peur cette nuit…

Tu as fait un mauvais rêve ?

Non ! c’était pas un rêve

Ha ! qu’était-ce donc ?

Lenaïc m’a tapé… il m’a tiré les cheveux, il me laisse jamais tranquille…

C’est ton rêve que tu me racontes ?

C’est pas mon rêve, c’est en vrai, mais c’est la nuit aussi, c’est un rêve en vrai…

Tu veux dire que Lenaïc te tape à l’école et te tire les cheveux…

Et la langue… Et il me prend mes jouets, et il m’empêche de jouer avec Dylan…

Humm ! On dirait un bien vilain garnement… Que fais-tu toi ? Tu le dis à la maîtresse ou à Claudia ?

Elles le grondent pas longtemps, elles ont pas le temps, y’ a pas que moi à l’école, elles peuvent pas toujours s’occuper de moi ! J’aime pas l’école…

Tu aimes l’école s’il n’y a pas Lenaïc…

Oui…

Pourquoi tu ne dis rien à maman ?

Toi non plus ! Tu dis rien à maman ! Elle veut que j’aime l’école…

Bon ! Je vais réfléchir et demain matin, c’est moi qui t’emmène... »

 

Mamicha est un peu sorcière, elle devine des tas de choses mais elle n’est pas moche comme une sorcière !

Elle est venue déposer Marie avec sa voiture rigolote qui a des yeux. Elle l’a conduite à l’école. La petite fille donne la main à Mamicha mais veut brusquement la lâcher quand elle voit que sa grand-mère se dirige vers la maman du méchant garçon.

La dame a un petit bébé contre son ventre, c’est la petite sœur de Lenaïc. 

 

Mamicha se tourne vers Marie qui secoue sa main pour se libérer et rouspète :

« T’as pas le droit de parler à la maman de Lenaïc…

Ne t’inquiète pas Marie je ne vais pas dire ton secret… Je te lâche la main si reste près de moi, ça va bien se passer... »

 

Mamicha s’adresse alors à la maman qu’elles ont rejointe, Mamicha tout sourire la salue :

« Bonjour… Vous permettez que je parle à votre petit garçon ? »

 

En disant cela, Mamicha tend un mot à la maman de Lénaïc… La maman le lit rapidement et rougit un peu, intriguée :

« Oui, d’accord, puis s’adressant à son fils, dit bonjour à la dame Léna

-’jour… »

 

Mamicha sourit, Marie a les larmes aux yeux et Lénaïc est inquiet…

Mamicha fouille dans son grand sac…

C’est un sac un peu magique, il y a toujours ce dont on a besoin dedans, à manger, des mouchoirs, des médicaments, des habits, des feutres, des doudous…

Et là, elle sort de son sac un très,très joli chat en peluche avec des yeux d’amour grands et ronds ; on dirait un vrai.

La grand-mère se met accroupie et regarde le garçon dans les yeux :

« Lenaïc, mon grand, quand on devient un grand frère, parfois on n’en a pas envie, parfois on est très en colère. On voudrait rester le seul enfant de sa maman. »

 

Lenaïc ne dit rien mais il fronce les sourcils et détourne les yeux…

Marie écoute très fort, elle jette un coup d’œil à la maman de son tortionnaire qui est un petit peu rouge qui a l’air gêné mais ne dit rien.

Mamicha poursuit :

« Je devine que c’est peut-être difficile, tu sais ? Et c’est normal de sentir ça… Je pense que tu voudrais être calme et tranquille comme avant et que tu as peur qu’on ne s’occupe plus de toi… Tu dois être inquiet et triste...C’est pour ça, j’ai ramené ce petit chat pour qu'il t’aide : quand tu es en colère, quand tu as envie de crier ou de taper, prends-le dans tes bras, serre-le fort et si tu as envie de pleurer, pleure dans son cou, il comprend tout… Marie, tu sais, est une gentille petite fille, et elle sera ton amie, si toi, tu es doux avec elle, doux comme ce petit chat... J’espère que tu vas lui trouver un nom et qu’il va te faire du bien. »

 

Mamicha tend le petit chat, mais Lénaïc ne prend pas, alors elle le pose au pied du garçon…

Elle se redresse et dit à la maman en lui serrant la main :

« Merci beaucoup de m’avoir laissée faire…

-Je vous en prie, je crois que vous avez raison, mais j’aurai aimé trouver ces mots-là moi-même, la maman a l’air soulagée,

-Oui, je m'en doute mais ma petite-fille avait besoin que je parle à votre fils, pour retrouver le plaisir de l’école... »

 

La maman de Lenaïc semble comprendre…

Lénaïc touche l’oreille du chaton avec le bout de son doigt et, le prenant enfin dans ses bras, il regarde Marie et chuchote :

« Le chat, il s’appelle Marie... »

 

C’est chouette l’école, elles sont gentilles la maîtresse et Claudia.

Marie a plein d’amis même Lenaïc est son ami, il est encore un peu casse-pied, mais il n’est plus en colère…

 

Derrière les rivières végétales, sur les bords de la fenêtre de Robert, il n’y a plus de poisson !

Marie ne se cache plus et dans les bacs à sable du parc, elle est la championne de la grimace, elle sait tirer la langue en louchant, c’est Mamicha qui lui a appris !

 

 



05/04/2021
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