Petit sortilege sans pretention

Petit sortilege sans pretention

Boulette Taloche -dés 5 ans-

 

 

 

 

 

Il y un monde, juste à côté du nôtre, on l’appelle Magystère…

C’est un monde où chacun peut aller et où tout est possible.

Il suffit, pour s’y rendre de tourner les pages d’un livre ou de raconter des histoires.

Magystère n’était qu’un brouillard, un nuage, il est né un jour, où pour la première fois, un père a dit à sa petite fille de la préhistoire :

« Il était une fois... »

 

Et, il a posé sa main mouillée sur l’ocre d’une pierre et a dessiné un mammouth avec ses doigts…

« Il était une fois, une bête énorme qui avait froid. Elle a demandé au soleil quelques rayons de sa lumière pour se couvrir, c’est ainsi que les mammouths ont eu des poils... »

 

Et c’est ainsi que dans le brouillard des possibles un monde est né…

Magystère ressemble beaucoup à la Terre, mais avec tout l’amour des contes et la magie des histoires. C’est un monde qui grandit chaque fois que quelqu’un le dessine, le peint, chaque fois que quelqu’un dit :

« Et voilà, c’est la fin de mon histoire... »

 

Ou quelque chose d’approchant.

 

Dans le monde juste à côté, il y a des villages de fées et de dragons, de trolls et d’ogres, de princesses et de pirates, des jardins de fruits, de légumes et de fleurs qui parlent, des gribouillis étranges d’enfants soulevés par le vent ou collés sur les murs des maisons, un ciel habité d’extraterrestres et d’anges, des villages d’arbres magiques et de sorcières plus ou moins talentueuses…

Et c’est un monde sans silence et même très bruyant, à cause de la grosse voix des ogres, du chant des loups, du bavardage continu des fleurs, du grondement des dragons, de monsieur Bruit et du joueur de flûte...

 

A côté du village des sorcières vit Boulette Taloche. Sa maison a des pattes de poules, c’était une maison abandonnée dans un coin un peu à l’écart, sans doute l’endroit le moins bruyant de Magystère.

 

Boulette est une sorcière infatigable et curieuse, elle a ceci d’extraordinaire que personne ne l’a inventée. Elle est apparue un jour, comme ça, sous le nez d’un ogre qui venait d’éternuer.

Boulette Taloche aime notre monde, pour elle, il est habité de très belles choses silencieuses qui poussent et grandissent sans la magie des fées.

Boulette Taloche est très curieuse et se pose des questions par milliers… Pourquoi les fleurs ne parlent-elles pas ? Comment poussent-elles ? Pourquoi les enfants grandissent ? Pourquoi l’eau bout-elle sur le feu ? Pourquoi tous les bébés sont beaux, même les bébés crocodiles…

 

Dans le monde Magystère, tout s’explique simplement, chaque chose existe parce que quelqu’un l’a inventé, raconté, dessiné.

« Qui a inventé les personnes de la Terre ? Se demandait Boulette, ou les loups, ou le poil des chèvres ? »

 

Que ce soit dans son monde ou le nôtre, la fleur préférée de Boulette est la rose, une rose rouge veloutée comme une caresse mais, dans le Jardin Enchanté de Magystère, la rose c’est aussi la fleur la plus bavarde. Et le bruit, Boulette n’en peut plus !

Un jour de printemps pendant l’une de ses escapades, Boulette visite un jardin magnifique et elle y découvre un rosier extraordinaire de beauté et de silence. Sa magie ne fonctionnant pas sur Terre, elle utilise une pelle qu’elle trouve dans une cabane à outil et déterre le rosier.

 

« Ça ne se fait pas me direz-vous ; il n’est pas à elle, ce rosier ! »

 

Oui, j’en conviens, aussi vous rappellerais-je que Boulette Taloche est une sorcière qui s’est faite toute seule, sans éducation et avec une morale toute personnelle.

Néanmoins pour dédommager le jardinier, à la place du rosier, elle laisse quelques pièces d’or. Ça ne lui coûte pas grand-chose : à Magystère il y en a tant que les Magystériens les utilisent pour décorer les maisons.

 

Son rosier sous le bras, Boulette Taloche recherche un livre d’images. Elle l’ouvre, en enjambe la page et se retrouve sur Magystère.

Toute contente de son butin, elle le met en terre immédiatement en bordure de forêt bien au soleil souriant. Elle l’arrose et écoute ravie le silence de son cœur.

« Tiens ? Se dit-elle, qu’est-ce donc que cette petite bête toute verte sur la tendre tige de mon rosier ? »

 

Il semble que Boulette transportant sa plante, a invité dans son monde une colonie de pucerons.

« Peu importe, ces petites bêtes mignonnes, et dame ! Chacun a le droit de vivre. »

 

Boulette, Boulette ! Qui n’en fait qu’à sa tête !

Madame Puceron sur la tige de sa fleur pond, pond, pond. Et chaque nuit ! Plus de cent pucerons, uniquement des femelles, lesquelles à leur tour, quelques jours plus tard, pondent, pondent autant que leur mère…

Rapidement le rosier de Boulette dépérit, dévoré par les pucerons… Mais pas seulement lui : les pucerons portés par leurs ailes et le vent, colonisent toutes les fleurs du Jardin Enchanté, et bientôt elles mangeront toutes les plantes de Magystère….

 

Quand la catastrophe s’annonce, toutes les fées et les êtres possédant un rien de magie essayent de faire disparaître les pucerons, mais rien ne fonctionne. La magie ne peut agir sur quoique ce soit qui vienne de la terre.

Et la nuit, les mères pucerons pondent, pondent, pondent…

Chacun se demande d’où viennent ces pucerons.

 

Boulette risque fort de s’attirer la colère de tous !

Ne va-t-elle pas sur Terre sans y être invitée, la félonne ? Et par-dessus le marché, elle ramène plantes et animaux !

Alors Boulette ne dit rien et retourne discrètement là ou elle a trouvé le rosier.

 

Dans le jardin, sur Terre, à côté du trou que la plante a laissé, un petit homme, assis sur un fauteuil de toile fume la pipe. Lorsqu’il aperçoit Boulette, elle apparaît brusquement et se déplace chez lui, comme si elle était chez elle ; il fronce les sourcils :

« N’êtes-vous pas l’indélicate qui me volât mon rosier ?

- Si fait, mais ce n’est pas un vol : il me semble avoir laissé une contrepartie, le petit homme s’énerve et se lève,

-Une contre-partie que j’aurais refusé ! Vous ne pouvez vous servir ainsi et décider que l’échange me conviendra !!!

-Vraiment ? Je l’ignorais… Pourtant c’est ainsi que vous procédez sur Terre, vous prenez des choses et laissez du métal en échange ? Mais laissons cela s’il vous plaît, je vous ramènerai votre rosier.

-Non ce n’est pas nécessaire, en vérité vous m’avez largement payé, mais vous devez absolument demander la permission avant de prendre quoique ce soit à qui que ce soit. Et si je vous pardonne si facilement, ce n’est pas parce que vous êtes apparue comme ça, que votre nez est crochu et que vous m’avez tout l’air d’une sorcière ; je n’ai rien contre icelles, je vous pardonne parce que je suis un brave homme et je ne voudrais pas vous contrarier…

-J’entends bien, répond finement Boulette qui comprend qu’en vérité le petit homme a peur. Dites-moi ? Que sont ces petites choses vertes sur le rosier ? Elles sont de plus en plus nombreuses et dévorent le rosier et toutes sortes d’autres végétaux…

-Un ou deux millimètres, toutes vertes, des ailes, six pattes ?

-Oui, oui tout à fait !

-Des pucerons, ma chère.

-Ho, et comment les convaincre de cesser leur banquet ?

-C’est impossible… Vous pourriez bien vous égosiller, elles n’ont pas d’oreilles et ne s’intéressent qu’à leur estomac…

-Mais vous-même, avez-vous un problème de… pucerons ?

-Et bien relativement…

- C’est-à-dire ?

-Il y en a dans mon jardin, mais assez peu, dans l’ensemble, les coccinelles y veillent .

-Des coccinelles ?

-Oui, rouges, orangées, des petites bêtes avec des points noirs et des ailes cachées sous leur armure…

-Non… Pardon, hein ? Ça ne me dit rien…

-Rrrahhh ! Attendez une seconde, voilà, voyez... »

 

Le Jardinier saisit une jeune pousse, sur le brin, une colonie de pucerons sert de repas à une coccinelle. Boulette Taloche tape dans ses mains : son problème est réglé.

«Ha ! Oui, des Bêtes à Bon Dieu ! Nous les appelons ainsi, mais il y a peu de coccinelles sur Magystère, peu d’histoire d’icelles…De plus, chez nous, sauf si l’histoire l’exige, les animaux ne se reproduisent pas Où puis-je me procurer des coccinelles de la Terre ?

-Dans une jardinerie, sur internet ou dans mon jardin ?

-Et bien voudriez-vous m’aider à me trouver des coccinelles…

- ….

- En échange de quelques pièces de métal .

-…

-Des écailles de dragons peut-être ? »

 

Une lueur d’intérêt brille dans les yeux du jardinier et il demande à la sorcière de revenir le surlendemain.

Et comme résolu, le moment venu, contre quatre écailles de dragon, Boulette échange trois boîtes de coccinelles espèce « made in China »

 

Quatre écailles.

Le jardinier est un peu déçu, mais Eliott le dragon, ne voulait pas en céder davantage, la plupart des sorcières lui en donnaient trois carats de poudre de fée et Boulette ne connaissait pas de fée.

Le gros reptile avait accepté un gâteau en échange, un gros gâteau.

 

En la regardant quitter son jardin, le petit homme sourit méchamment, les coccinelles de chine sont comme les pucerons, elles pondent, pondent et pondent, au printemps, chacune cinq cents œufs et vin-cinq jours plus t ard, les petits sont adultes. Pour se reproduire à leur tour, le printemps suivant.

« C’était mon rosier préféré ! » marmonne le petit jardinier.

 

Boulette enjambe le livre des trois petits cochons, le village des loups est très proche de la forêt, et sur le rosier malade de la Terre, elle libère les coccinelles.

Elle regarde avec plaisir les petites bêtes du Bon Dieu dévorer les pucerons. Le jardinier a dit vrai, elles ne s’arrêtent pas.

Boulette Taloche se couche soulagée.

 

La pauvre !

Les coccinelles ne pondent qu’au printemps, mais à Magystère, c’est toujours le printemps ! Et il ne passe pas une année avant que les cinq-cents œufs de chaque coccinelles pondent et pondent et pondent à leur tour.

 

Sur le monde d’à côté poussent sans cesse de nouveaux champs de fleurs, parce qu’il existe beaucoup d’histoires nouvelles qui parlent de pâquerettes, de roses, de tulipes ou de narcisses…

Moi-même qui vous raconte cette histoire, vient d’en planter quatre comme elles, sans même y penser.

 

Si bien que les pucerons peuvent se reproduire sans cesse, ils ont toujours à manger, et avec eux servant de repas, les coccinelles deviennent rapidement très très nombreuses : tant, que l’air est saturé d’insectes.

Tout le monde doit porter un voile pour ne pas en respirer.

Les marchands de dentelles font fortune ; il faut couvrir les fenêtres et les portes pour éviter d’en avoir trop chez soi.

Boulette soupçonne le jardinier de l’avoir fait exprès.

 

Sur Magystère la colère gronde, les Sherlock Holmes, qu’ils soient chiens, chats ou Hommes se mettent à enquêter aux côtés des sorcières et des fées.

 

Boulette Taloche risque d’être rapidement découverte et identifiée comme le porte-malheur.

 

Vite, vite retourner sur Terre, botter les fesses du jardinier et quérir les prédateurs qui chassent les coccinelles, qui chassent les pucerons.

Boulette, fébrilement, ramène des petits rongeurs, des oiseaux, des araignées, des punaises, qu’elle trouve, achète ou chasse.

 

Ses récentes mésaventures ne lui ont rien appris : sur un monde printanier, qui se renouvelle sans cesse n’importe quelle bestiole de la Terre devient une menace envahissante.

 

Et Magystère court à la catastrophe : petits rongeurs, oiseaux, araignées et punaises déploient leurs enfants….

La sorcière maladroite n’ose plus sortir de chez elle.

 

Mais enfin les sortilèges de vérité et l’enquête des Sherlock aboutissent.

C’était difficile de la trouver car en vérité, mademoiselle Taloche n’existe que par elle-même.

Mais finalement un matin de printemps, enfin... un matin, une foule sauvage de toutes sortes de créatures encercle la maison aux pattes de poule.

« Dehors ! Dehors ! Ou les loups vont souffler et ta maison s’envoler ! »

 

Boulette Taloche sort, honteuse et quand chacun se tait, elle dit :

« Sur Terre les fleurs ne parlent pas. Et j’aime le silence... »

 

À cette déclaration tout le monde comprend, que, petit a, Boulette va sur Terre si ça lui chante, petit b, qu’elle a mélangé la réalité et la magie sans consulter personne et que petit c les fleurs peuvent parfois se taire.

Ce qui plairait bien aux voisins directs des champs de fleurs…

 

Les villages se réunissent pour réfléchir.

On ne peut pas chasser chaque bête : elles se reproduisent trop vite.

On voudrait garder quelques créatures de la Terre : les fleurs silencieuses font rêver, les coccinelles et les oiseaux plaisent aux fées et les araignées aux sorcières… Les pucerons et les punaises tout le monde s’en fiche.

 

Et alors soudain, tandis que tout le monde se creuse la tête, un chat, le chat du meunier et de ses trois fils, se dit que lui mange des souris depuis longtemps (celles du joueur de Flûte sont carrément exquises).

Et donc, sans réfléchir davantage il saute sur une musaraigne de la Terre et la croque dans le même élan. Il ronronne de contentement et sans va annoncer la bonne nouvelle. Les animaux de la Terre sont tout à fait délicieux.

 

Les chats sont nombreux sur Magystère, de même que les chasseurs, ou les ogres… Aussi gare à vous rongeurs, oiseaux, vous avez des prédateurs.

 

Bien des jours de printemps passent mais petit à petit la situation revient à la normale.

On prend garde grâce à de savants calculs de laisser vivre suffisamment de rongeurs et d’oiseaux pour qu’un nombre raisonnable de coccinelles demeurent : elles sont si jolies.

 

Boulette Taloche est priée de ne plus jamais, jamais ramener quoique ce soit de la Terre, ou d’en discuter auparavant.

Ce qu’elle approuve vigoureusement.

Néanmoins, la sorcière maladroite possède un très joli chat blanc, muet comme le sont les chats de la Terre !

 



27/03/2021
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