En souvenir d'une étoile
Une peine en larme roule sur le parchemin d'une vie usée. Une petite fille que cela chagrine, réécrit sur la peau de sa grand-mère, le monde d'amour qu'on lui a confié. Grand-mère a perdu grand-père, elle est seule et désemparée. La petite fille ne comprend pas, puisqu'elle aime si fort sa grand-mère, elle ne comprend pas que son amour, ainsi que celui de tous les autres n'y suffisent pas ; pourtant, ça fait tellement plus d'amour que celui d'un seul grand-père. Pourquoi maman, qui lui fait tant de bien, ne sait empêcher les larmes de sa vieille mère ? Élaura n'est qu'une enfant et pourtant elle a ce pouvoir là avec sa maman…
Grand-père était bien-sûr un vieux monsieur gentil. Mais il n'était pas souvent debout. Il passait beaucoup de temps à dormir, si bien qu'un matin, il n'a pas pu se réveiller. La petite fille le sait, ce n'est pas bon de trop dormir, c'est pour ça qu'elle ne fera plus la sieste.
Grand-père était gentil mais pas autant que grand-mère. Il ne jouait guère avec elle, ni ne cuisinait, ni ne lui parlait beaucoup. C'est pourquoi elle préfère que ce soit lui qu'on ait perdu…
Mais grand-mère pleure et la petite fille est triste avec elle. Elle n'a pas envie de jouer. Alors elle s'assoit sur le sol, à l'abri d'une robe qui lui cache le monde et glisse sous la vague enveloppante d'une fatigue impérieuse, Élaura s'endort...
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La petite main, chaude et douce, la rappelle vers la vie. Mais c'est trop tôt, ou trop tard. Elle n'a pas fini de dire adieu à la moitié de son âme qui l'a quittée, elle n'a pas décidé si elle va l'accompagner. Sa petite fille lui réclame l'amour qu'elle lui doit sans doute, mais la dame se sent vieille et peine à respirer ou aimer. Ses larmes ne cessent de couler, malgré sa volonté. L'enfant qui la regarde inquiète, cherche à comprendre l'étendue d'un tel chagrin, elle qui ne le ressent pas.
Mamiette, -c'est ainsi qu'elle l'appelle, en écho au nom qu'elle lui donne parfois - Mamiette devrait lui dire d'aller jouer, que ce n'est pas grave et que ça va passer. Mais la fillette se blottit dans ses jambes et s'endort.
La vieille dame se laisse aller, se laisse gagner par un calme relatif.
Et le temps passe, si seulement il pouvait passer plus vite.
Élaura, toute petite, la douce de sa fille…
Une minute de silence immobile s'attarde dans la pièce.
Le souffle chaud d'Élaura caresse le cœur de sa grand-mère.
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Il sonne dans son rêve un gémissement infini qui lui tord le cœur. Elle ne veut pas aller voir d'où il vient et prend un chemin contraire, semé de fleurs et d'oiseaux.
Assis sur le sol, un peu plus loin, son grand-père l'attend et lui sourit. Elle le rejoint et se glisse dans ses bras, elle se rappelle qu'elle le faisait autrefois, et que c'était bon, apaisant.
«-On t'a perdu, mais tu es là ?
-Vous ne m'avez pas perdu, je suis mort, mais je ne suis pas loin puisque tu me vois…
-Je te vois.
-Il y a quelque chose qui gémit ici…
-Oui.
-Qu'est-ce que c'est ?
-C'est la peine de Mamiette. Elle a dit à maman qu'elle ne veut plus continuer sans toi… Continuer quoi ?
-À aimer la vie, à finir son temps…
-Elle va pas continuer ?
-Si. Parce que tu vas lui dire que je ne suis pas loin et que je l'attends. Elle n'a pas à se presser : j'ai tout mon temps. Et elle doit t'accompagner, en souvenir de l'étoile. Tu lui diras ? »
La plainte se tait, dans son rêve l'enfant s'envole.
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Elle ne l'entend pas tout de suite ce gémissement, qui fait écho au sien. Dans sa tête, il ne se tait jamais depuis que son amour est mort. Mais ce bruit de chagrin ne vient pas d'elle : il monte du sol. Elle écarte un pan de sa robe, elle contemple le visage d'Élaura tout crispé, sa lèvre inférieure s'avance en une moue qui précède les larmes. Pauvre chérie, pauvres chéries…
Elle la prend dans ses bras et l'enlève du sol.
Dans son rêve l'enfant s'envole.
le visage de la fillette se détend.
Son souffle devient moins régulier. Elle ouvre les yeux et regarde gravement sa grand-mère.
« -J'étais dans ses bras, comme ici avec toi…
-Dans les bras de qui ?
-De grand-père, il a dit que je dois te dire de continuer, qu'il n'est pas pressé et qu'il t'attend… Il est où ?
-Je ne sais pas -elle retient difficilement ses larmes-
-Il a dit que tu dois venir avec moi en souvenir de l'étoile… C'est quoi l'étoile qu'il dit ?
-Je te raconterai plus tard, rejoins ta maman. »
Elle écrase ses sanglots jusqu'à ce que la petite quitte la pièce, et se laisse aller, enfin… Silencieuse autant qu'elle le peut. La colère et le chagrin l'envahissent encore une fois.
« Comment tu peux me demander ça ! Tu n'étais pas censé me quitter, nous devions partir ensemble, elle a des parents cette petite… »
Il lui faudra quelques heures pour que la douleur s'atténue, et pour que le message traverse son sentiment de solitude.
« Il m'attend… Il se souvient de l'étoile. »
Lorsqu'elle les appelle, sa fille et sa petite-fille ne tardent pas à la rejoindre.
Mamiette sourit doucement et met Élaura sur ses genoux :
« Tu sais ce que c'est une étoile filante ? Tu en as déjà vu ?
-Oui, c'est la maison de la fée bleue…
-La fée bleue, de Pinocchio ?
-Oui.
-Elle exauce les souhaits n'est-ce pas ?
-Oui, Pinocchio est un vrai petit garçon…
-Et bien, un soir, j'étais avec ton grand-père, et dans le ciel nous avons vu une étoile filante très grosse et très brillante. Ton grand-père et moi, nous avons murmuré dans notre cœur, «Je voudrais un enfant ». Quand l'étoile a disparu, nous nous sommes regardés, mais nous n'avons rien dit, parce qu'il ne faut pas dire son vœu. Et puis quelques mois plus tard, ta maman est arrivée. Lorsque ton grand-père est venu la voir pour la première fois, il a dit : « Tu es là parce qu'une étoile filante a exaucé mon vœu »Alors je lui ai raconté que j'avais fait le même vœu, au même moment et que c'était notre vœu à tous les deux. Nous avons souvent parlé de l'étoile. C'est d'elle dont grand-père veut que je me souvienne, parce que tu as un peu de sa magie dans ton cœur.
-Alors tu vas continuer ?
-Continuer quoi ?
-À rester avec moi ?
-Je resterai autant que je le pourrai ma Miette, le plus longtemps possible… Tout près de toi. »
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