Petit sortilege sans pretention

Petit sortilege sans pretention

Le paysan de le Aubure

 

Il s'ennuyait beaucoup et se lamentait souvent. Il abusait aussi de l'alcool et c'est ce qui le poussa sans doute, un jour à partir à la conquête du tertre de la jeune fille morte.

Une légende disait que, celui qui parvenait au tertre, et s'y tenait en équilibre le trente-et-un décembre à minuit, celui-là pourrait parler à Dieu.

Le paysan d'Aubure avait quelque chose à lui demander et l'alcool aidant, cette après-midi d'un trente-et-un décembre, il voulut croire la légende.

Il prépara ses raquettes (une bonne couche de neige couvrait la montagne) et s'en alla dire au revoir à son âne Anatole :

 

"Yo Anatole, tu me connais, moi Caspard, le paysan de le Aubure, trente-cinq ans que che ton maître, trente-cinq ans que che suis le paysan de le Aubure, trente-cinq ans que che m'ennuie, che n'ai pas de femme, che n'ai pas d'archent, che n'ai que mon petit chardin et toi, Anatole. Che m'en vais sur la montagne temanter à Tieu pourquoi c'est ainsi, et s'il ne feut pas me permettre d'afoir une fie meilleure.."

Et Gaspard commença l'ascension de la montagne en début d'après-midi.

Il avait à peine cheminé un kilomètre, qu'une ombre noire surgit soudain devant lui. C'est un loup aux crocs terriblement acérés, et aux yeux rouges...

 

"Qui es-tu  toi, qui t'aventures sur mes chasses ?

-Yo le loup tu me connais, che suis Caspard, le paysan de le Aubure, trente-cinq ans que che suis le paysan de le Aubure, trente-cinq ans que che m'ennuie, che n'ai pas de femme, che n'ai pas d'archent, che n'ai que mon petit chardin, et mon petit âne Anatole. Che m'en vais sur la montagne temanter à Tieu pourquoi c'est ainsi et s'il ne feut pas me permettre d'afoir une fie meilleure..

-Oui, Gaspard, je te connais mais j'ai terriblement faim, et je te dévorerais bien... toutefois, ça ne calmera pas mon appétit. Alors je vais te laisser passer, à condition,  que tu demandes à Dieu pourquoi, quelque soit le repas que je prenne, pourquoi la faim me tient ainsi.."

 

Sans demander son reste, et sur des jambes un peu tremblantes, Gaspard aborda la forêt mais il ne pu aller loin. Le sentier praticable était complètement obstrué par un arbre aux multiples et multiples racines.

Il se demandait bien comment il allait passer : sur les bords du chemin,  la neige et la végétation rendaient la chose presque impossible. Il s'appuya sur le tronc pour réfléchir... et l'arbre se secoua :

 

"-Ho ! HO ! Hey petit homme ne t'appuie pas sur moi, je suis pas bien solide sur mes racines !

- Tu me chènes, che peut pas passer, tu pouches tout le chemin !

- Pourquoi donc je te laisserai passer ? Qui es-tu ?

- Yo, l'arpre, tu me connais, che suis Caspard, le paysan de le Aubure, trente-cinq ans que che suis le paysan de le Aubure, trente-cinq ans que che m'ennuie, che n'ai pas de femme, che n'ai pas d'archent, che n'ai que mon petit chardin, et mon petit âne Anatole. Che m'en vais sur la montagne temanter à Tieu pourquoi c'est ainsi et s'il ne feut pas me permettre d'afoir une fie meilleure...

- Gaspard, Gaspard... oui je crois que ça me dit quelque chose. Je peux me lever un peu sur mes racines mais tu dois me rendre un service ! Si tu parles à Dieu,  demande lui pourquoi je ne peux pas ancrer mes racines dans la terre ! Quelque chose me bloque, j'ai beau planter, je suis toujours limité... Pas moyen de grandir  davantage, je crois même que je commence à dépérir !

- Che te rentrais ce service l'arpre !"

 

L'arbre souleva ses racines et Gaspard pu poursuivre son chemin.

Mais la nuit tomba et le paysan se perdit... Il erra un certain temps et commençait à désespérer, lorsqu'au loin il distingua une lueur.

La maison de la vieille Ernestine... ça faisait longtemps qu'on ne l'avait pas vue au village.

Il s'approcha et frappa à la porte.

 

"-Qui est là ?

-Yo Ernestine, tu me connais, che suis Caspard, le paysan de le Aubure, trente-cinq ans que che suis le paysan de le Aubure, trente-cinq ans que che m'ennuie, che n'ai pas de femme, che n'ai pas d'archent, che n'ai que mon petit chardin, et mon betit âne Anatole. Che m'en vais sur la montagne temanter à Tieu pourquoi c'est ainsi et s'il ne feut pas me permettre d'afoir une fie meilleure...

-Che te connais pas vraiment, mais ch'ai pien connu ton père !

-Che suis pertu la fieille laisse moi rentrer !"

Il passa un peu de temps chez la vieille Ernestine. Elle lui raconta que le tertre était bien un endroit magique, parce qu'une femme qui portait un enfant y était morte, en fuyant la populace.

A cause de l'innocent qu'elle avait en elle, une porte de Dieu s'était ouverte là. Et à minuit, ce soir, s'il le voulait, Gaspard pourrait lui parler :

"Yo Caspard, c'est le pon chour et minuit, c'est la ponne heure. Si tu vas là-pas, temante lui ce que che dois faire pour Chenefièfe. Tu l'as pas vue, elle tord à l'étache. Che fieilli, il lui faut un mari, temante le conseil te Tieu !"

Autour de vingt heures ce soir là, Gaspard quitta Ernestine pour tenter de trouver le tertre en suivant ses indications.

 Il marchait lentement et péniblement.

L'aventure n'est pas fameuse mais enfin, Gaspard finit par trouver le Tertre. Ce n'était pas facile, un tertre ce n'est jamais qu'un tas de cailloux, et celui-ci était couvert de neige, heureusement l'amas était haut.

Difficile de savoir qu'elle heure il était... mais s'il n'avait pas raté son rendez-vous, l'heure devait approcher à grand pas.

Gaspard escalada avec difficulté le tas de pierre gelé et glissant, se teint en équilibre tant bien que mal contre le vent. Et le temps passa. Gaspard était complètement frigorifié, mais il tenait à sa question et je crois que plusieurs jours auraient pu passer sans qu'il bouge de là.

 

Mais soudain devant lui, le ciel s'éclaircit largement et dans la trouée des nuages,  il sembla au pauvre Gaspard apercevoir une sorte de fenêtre derrière laquelle un vieillard travaillait, façonnait et bougonnait.

Gaspard toussa bruyamment et la fenêtre s'ouvrit :

"- C'est toi, le seigneur ?

- Mais oui Gaspard, qui veux-tu que je sois d'autre ?

- Yo, mais on dirait que du me connais... che suis Caspard le paysan de le Aubure...

- J'ai si souvent entendu ta litanie, évidemment que je te connais et viens-en au fait, je suis très occupé. Que viens-tu faire ici ?

- Che foudrais une fie meilleure...

- Gaspard, je suis navré de te le dire mais tu es un imbécile ! Dum koppf, ton bonheur est sur ton chemin ! Et je ne dirais rien de plus ! Allé ! disparaîs !

- Heu... che de temande parton, mais j'ai t'autres question pour le loup qui a toujours faim, pour l'arpre qui ne peut pas planter ses racines, pour la fieille Ernestine, qui foutrait marier sa fille..."

Dieu répondit à Gaspard qui ne l'écoutait que d'une oreille, trop pressé de connaître ce bonheur qui l'attendait sur son chemin.

 

Il redescendit vers sa vallée comme un fou en se répétant sans cesse :

"Mon ponheur et sur mon chemin, mon ponheur est sur mon chemin."

Sans se perdre cette fois, et rapidement encore, il arriva devant chez Ernestine qui l'attendait devant la veilleuse :

"- L'as-tu fu ? As-tu pensé à moi ? Qu'a-t-il tit ?"

Sans ralentir ou à peine Gaspard répondit :

"- Il m'a tit : ton ponheur est sur ton chemin ! Et pour toi que tu tois marier la pelle au premier fenu... che file, che file, che feut pas rater mon ponheur !'"

Il ne laissa pas à Ernestine le temps de lui répondre, il fila comme le vent, descendit aussi vite que s'il avait été en luge... on aurait dit qui flottait sur la neige !

Il heurta l'arbre de plein fouet, il faisait nuit bien sûr et malgré la neige, il y voyait bien mal :

"Te revoilà petit homme tu as l'air bien pressé, je te laisserai passer si tu me dis ce que Dieu t'as dit pour moi !

- Il a tit : ton ponheur est sur ton chemin ! Et pour toi, qu'un coffre à tréssor est à tes pieds et que c'est pour ça que tu n'arrifes pas à ancrer tes racines ! che doi partir, mon ponheur est sur mon chemin  !

- Mais que dois-je faire ?

-Temande au premier fenu de creuser ! Salut écarte-toi ! "

Sans réfléchir, l'arbre leva ses racines et le paysan cavala... jusqu'au loup, qui lui coupa la route. Gaspard ne l'avais pas entendu arriver :

"-Alors ? Gaspard, qu'en est-il de ce que je t'ai demandé ?

- Tieu a tit : ton ponheur est sur ton chemin, je cours après ! Et pour toi, que tu es fictime t'un sortileche et que si tu manches un homme ça reteviendra normal, il a tit, le premier impécile fenu !"

Les yeux du loup rougirent, il passa sa langue sur sa gueule et dit en ricanant :

"Mon pauvre Gaspard, tu n'es pas bien malin ! L'alcool t'as ramolli le cerveau mais rendra sans doute ta gustation intéressante..."

Depuis ce jour, le loup n'a plus qu'une faim fort raisonnable cependant plus personne n'a revu Gaspard, le paysan de le Aubure...

Anatole a du se trouver un nouveau maître.



19/08/2020
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